« Nous sommes passés d’un hôpital du moyen âge à un service tout neuf : c’était vraiment une révolution »

Par Marie-Dominique Serda le 4 octobre 2012

Pendant 28 ans et toujours de nuit, Thérèse a été infirmière à l’hôpital général. Pendant toutes ces années, elle a vu changer l’organisation et les services hospitaliers …

« Je suis entrée à l’hôpital général en 1973. Mon grand-père, une de mes tante et un oncle y travaillaient déjà. J’ai été embauchée la semaine de mes 18 ans, en tant que ASH, au service des voies respiratoires. Il y avait d’un côté les tuberculeux et de l’autre les malades du cœur. J’y faisais le ménage, les vitres, le tri du linge sale, les courses (pharmacie et cuisine). Trois mois plus tard, le service a fermé. Il a été scindé en 2 : une partie à la Trouhaude et l’autre au rez-de-chaussée du bâtiment en attendant l’ouverture du service de cardio qui était en construction sur le site du Bocage. Je suis donc restée à l’hôpital général pendant quelques mois avant d’intégrer l’hôpital du  Bocage (en mars/ avril 74) au service cardiologie.

Du jour au lendemain, nous sommes passés d’un hôpital du « moyen âge » à un service tout neuf : c’était vraiment une révolution : ascenseur, cuisine dans le même bâtiment.

Au lieu de laver par terre au savon noir on avait des aspirateurs, une cireuse….tout était neuf et ultra moderne. On ne sortait plus pour les courses et les repas, on ralliait le Bocage par le sous-sol… On a eu un confort de travail dans des locaux tout neuf et facile d’entretien…

Je peux vous raconter quelques anecdotes sur le fonctionnement de l’hôpital général en 1973 :

La charrette à bras :

Elle servait à tout, on y mettait les gamelles, des repas, des malades que nous allions chercher dans un bâtiment situé à l’extérieur de notre service, par tous les temps. On y chargeait aussi le linge, propre ou sale, la pharmacie et le matériel médical. J’ai souvent eu peur de ne pouvoir arriver à bon port, en hiver, quand je ne pouvais ni avancer ni reculer avec ma charrette à bras, sur le sol gelé.

Notre clochard :

Chaque service avait son clochard qui venait tous les jours s’installer à l’abri dans le hall. C’était souvent moi, la plus jeune, qui étais chargé de lui donner manger. Le père Michaud qu’il s’appelait!

Le cercueil :

C’était le nom que l’on donnait à une de nos gamelles qui avait une forme rectangulaire et était de bonne dimension, d’où son nom! Les repas de tous étaient préparés sur place, je me souviens qu’été comme hiver, nous avions de la soupe et de la semoule au lait. Pour les malades, tous les soirs, il y avait distribution de tisane.

La lingerie :

Il y avait une cave à linge dans l’enceinte de l’hôpital et régulièrement j’allais trier le linge sale qui tombait dans un immense bac. Pour ce faire j’avais d’excellents gants roses qu’on appelle toujours MAPA aujourd’hui et pas de masque. Ce linge, une fois trié et réparti dans des sacs, était chargé sur la fameuse charrette. J’avais pour compagnons de lingerie des rats, il y en avait partout, et bien sûr des chats, pour donner la chasse à ces derniers! Autant vous dire que ce n’était pas une partie de plaisir de se retrouver à la lingerie! Ces chats étaient nourris avec nos restes et étaient très bien traités. Une fois, un de nos chats avait avalé une arête de poisson, j’ai été chargée de l’emporter au SAMU pour qu’on le soigne. On avait aussi comme copains des cafards, ça pullulait!

La ferme à cochons :

Il y avait aussi une ferme dans l’enceinte de l’hôpital où on nourrissait des cochons avec tous les restes. On avait des poubelles de tri estampillées « poubelles à cochons ». On faisait de l’écologie sans le savoir, comme Monsieur Jourdain!

Les Poupinel :

Non, ce n’était pas des poupées mais des fours pour la stérilisation du linge et du matériel médical. En effet, on ne jetait rien, tout resservait.

Linge et compresses :

Notre travail consistait aussi à préparer le matériel, c’est à dire :

– rouler les bandes velpaux

– fabriquer des boules de coton et de compresses

– plier les compresses et les crachoirs en carton.

Rien n’était préparé et prêt à servir.

L’homme de la maison :

Le brancardier était appelé ainsi, il était poly-compètent et aidait à tout.

Il y en avait un par service.

Quand je me retourne sur ma carrière, je vois le chemin parcouru et les changements apportés dans l’exercice de mon métier. J’ai connu les chambres communes à plus de 20 lits semblable à celles de l’Hôtel Dieu de Beaune, puis celles à 12 lits, 8 lits, jusqu’aux 2 lits d’aujourd’hui. Ma première tenue de travail était une blouse avec un tablier à poche kangourou, dans laquelle on mettait tout ce qu’on ramassait, et qui était un vrai nid à microbes, pour finir par le pantalon et la tunique. J’ai connu des directeurs qui nous connaissaient tous et qu’on reconnaissait quand on les croisait. La solidarité entre collègues, quelques soit leurs fonctions. Mais j’ai aussi connu, en fin de carrière, le manque de personnel, le manque de matériel et d’équipement pour les soins aux malades. La peur de « l’accident » était beaucoup plus prégnante pendant mes dernières années d’activité.

Aujourd’hui où le maître mot est économie, je ne serai pas étonnée que nous revenions aux chats pour tuer les rats, aux cochons pour nourrir les patients, à la réutilisation des matériels médicaux, et aux salles communes pour les malades!!! »

Témoignage recueilli par Marie Dominique SERDA.

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