« Une mise à l’écart de certains… »

Par Timothée Barbier le 4 janvier 2012
Sophie Fluchot est Présidente de l’AFTC Bourgogne (Association de Familles de Traumatisés crâniens et Cérébro-lésés) et elle s’exprime quant à la régression des soins notamment dans la prise en charge des traumatisés crâniens :

 

Avez-vous pu constater une régression des soins durant ces dernières années ?
Depuis plusieurs années, il y a un phénomène de valorisation du meilleur soin au meilleur moment, de la qualité de vie, il est devenu insupportable de penser que la santé n’est pas à la portée de tous et pourtant … sous les mots efficience et transversalité, nous arrivons bien souvent à un résultat de restrictions budgétaires au détriment de la qualité et de mise à l’écart de certains, qui n’ont plus accès aux soins ou très difficilement.

 

Dans quels domaines précisément ?
Alors que certains soins accessoires sont remboursés, d’autres, primaires, ne le sont plus ou peu … Les soins dentaires (prothèses, etc), oculaires (lunettes, verres, même pour des personnes handicapées visuelles), alors quand ces personnes n’ont plus d’adresse, il n’est même plu question d’accès aux soins pour ces personnes là.
L’accès aux soins, cela veut aussi dire avoir un diagnostic éclairé, c’est à dire, avoir droit à un médecin formé aux évolutions de la médecins, aux progrès de celle ci, au suivi des blessés au delà du système de santé, à des prises en charge spécifiques.

 

Plus spécifiquement par rapport à votre association, qu’est ce qui pourrait être amélioré quant à la prise en charge des traumatisés crâniens ?
Il y a essentiellement 3 choses qui me sautent aux yeux dans les améliorations possibles quant à la prise en charge ou au suivi de l’accès aux soins des traumatisés crâniens ou cérébro-lésés en général :

– La prise en compte de la singularité des soins et des séquelles des traumatismes crâniens serait à améliorer. Encore bon nombre de personnes sortent des urgences et rentrent à la maison sans que l’hôpital ait fait le joint avec des soins ultérieurs. Ces personnes sont donc laissées pour compte avec des séquelles qu’elles ne comprennent pas, des séquelles invisibles qui passent souvent pour de la mauvaise volonté ou de la fainéantise, alors que ce sont des troubles liés à leur traumatisme crânien et qui pourraient être diminués ou compenser par des soins post hôpital. Cela veut dire concrètement qu’il y a des personnes qui rentrent chez elles sans qu’on alerte personne alors qu’elles gardent de graves séquelles qui vont faire que leur vie sera une mise en danger perpétuelle sur eux même ou sur autrui. Un exemple me vient en tête de cette épouse qui supporte un homme avec lésion cérébrale depuis 12 ans sans que l’hopital reconnaisse qu’il souffre de séquelles graves qui l’amènent à être violent ( sur son épouse, ses voisins…), à signer des chèques de manière inconsidérée, à casser plusieurs voitures par an….

– la formation des médecins est quasi nulle à propos des traumatismes crâniens. Ce qui induit que toutes les personnes qui vont consulter leur généraliste parlent de troubles que bon nombres de médecins ne savent estimer, évaluer, détecter et ne savent donc pas rediriger les personnes vers les soins adaptées. Il y a souvent prescription d’anti-dépresseurs qui ne sont pas la solution au problème et ne joue que le rôle du mouchoir qui couvre la plaie pour qu’on ne la voit plus, ou bien il est dit aux patients que c’est psychologique … La formation serait le B A BA d’une prise en charge correcte.

– un point important chez les traumatisés crâniens est la prise en charge des troubles du comportement. Faute d’établissement spécifiques à ces troubles spécifiques, les personnes qui en souffrent sont hospitalisées en psychiatrie. Cela implique dans la plupart des cas qu’ils n’ont plus de soins de rééducation, plus de stimulation si nécessaire à la récupération suite à un traumatisme crâniens ou une lésion cérébrale acquise. Cela induit aussi la prescription de médicamentation, voire même de camisole chimique, comme si la personne avait une maladie psychique. Or il s’agit d’un cerveau qui a subi une lésion cérébrale …
La médicamentation n’est donc pas du tout appropriée et encourage même souvent à des régressions plutôt qu’à des évolutions. J’ai plusieurs exemples concrets en Bourgogne pour lesquels c’est totalement le cas.


Enfin, je reste très perplexe quant à la TAA et au fait que son application soit bien approprié sur les personnes lésées cérébrales dont la récupération se fait souvent sur du long terme et par saccade. Je souhaite que cette nouvelle méthode ne va pas aggraver ces mauvaises prises en charge et que nous n’allons pas constater que nombre de lésés cérébraux sont rentrés à la maison avant qu’ils n’aient eu le temps de récupérer entièrement ce qui est récupérable. Cela serait dramatique pour eux.  

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