Rendre optionnelle la vaccination: raison médicale ou économique?

Par Dr François-André Allaert le 5 février 2016

Aujourd’hui, en France, il ne reste que trois vaccinations obligatoires et remboursées pour l’ensemble de la population : le vaccin antidiphtérique, le vaccin antitétanique et le vaccin antipoliomyélitique. Si la plupart des autres sont recommandés et remboursés, certains autres, curieusement, ont reçu une autorisation de mise sur le marché avec un service médical rendu jugé insuffisant pour qu’ils soient inscrits sur la liste des produits remboursés. Ces différences de statut rendent difficile la compréhension des controverses actuelles autour du maintien du caractère obligatoire des trois vaccinations qui le sont encore.

Certes, la polémique relancée sur la vaccination ne vise pas à remettre en cause son bien-fondé. On sait qu’elle a largement contribué à éradiquer des maladies auxquelles les peuples de tous pays, durant les siècles, payaient de très lourds tributs en termes de vies humaines. Jusqu’à l’apparition du vaccin anti-typhoïde et la vaccination de tous les soldats rendue obligatoire par la loi Labbé du 28 mars 1914, la typhoïde a sans doute tué dans les tranchées de 14-18 autant d’hommes que les balles…

En revanche, cette polémique remet en cause le principe de la vaccination obligatoire, ce qui est plus dérangeant. Il faut dire que les arguments avancés par les tenants de cette libéralisation sont assez convaincants. La France et l’Italie sont les seuls pays à maintenir une obligation vaccinale pour les enfants et malgré cela, le taux d’immunisation dans la population générale n’est pas meilleur que dans les autres pays. Tous les patients ne respectent pas cette obligation, ni tous les médecins, et globalement il n’y a guère de sanction.

Vaccin raison médicale ou economiqueCeux qui voudraient vacciner leurs enfants contre les seules maladies obligatoires ne le peuvent pas car tous les vaccins disponibles contre ces trois maladies comportent aussi des vaccinations facultatives contre d’autres maladies. Sans parler des ruptures de stock de certains produits alors que la vaccination était obligatoire… De plus, la notion de vaccins obligatoires et facultatifs perturbe les personnes en suscitant des questions sur les raisons de cette classification : s’il est facultatif, ce vaccin est-il vraiment efficace ?

Les dangers du tout facultatif

Mais rendre tous les vaccins facultatifs, ou du moins faire que la décision de la vaccination se fasse sur la base d’une démarche personnelle et volontaire, pose aussi des problèmes. Quel niveau d’information guidera le choix, chacun devant se faire son opinion auprès de médecins peu enclins à pouvoir discuter bien longtemps sur ce sujet ?

Cette situation n’introduira-t-elle pas une inégalité sanitaire, les personnes vaccinées servant de remparts à celles non vaccinées en contribuant à bloquer les chaînes de contamination en cas de survenue d’une épidémie majeure ? Cette situation ne contribuera-t-elle pas aussi à diminuer le taux des vaccinations facultatives qui sont pourtant indispensables : vaccination contre l’hépatite B, les cancers de l’utérus ou simplement la coqueluche ou la rougeole dont une épidémie est réapparue en France ?

Et puis il y aussi une autre crainte. Les vaccins devenant facultatifs, l’assurance maladie aura-t-elle encore vocation à les rembourser ? Certes on pourra argumenter que nombre de vaccins dits facultatifs sont aujourd’hui pris en charge par l’assurance maladie, mais la tentation pourrait être forte de prendre prétexte du caractère facultatif pour juger insuffisant le service médical rendu, ou réduire le taux de remboursement.

OMS - Vaccination planétaireIl faut espérer que la polémique ne vise pas simplement à faire des économies à terme. Ce serait d’autant plus dommage que la vaccination est l’un des rares domaines où la France occupe encore une place très forte en étant parmi les pays les plus innovants et les plus exportateurs dans le monde. La réponse nous sera sans doute donnée par l’attitude de l’assurance maladie face à l’éventuelle libéralisation des vaccinations jusqu’à présent obligatoires.

Soit elle communiquera très fort sur leur intérêt pour maintenir une couverture vaccinale la plus importante possible et supportera le coût de la vaccination en plus du coût de sa promotion ; soit elle laissera faire, quitte à payer un jour ou l’autre le coût induit par la réapparition des maladies tandis que les personnes connaîtront à nouveau ce que signifie le mot « épidémie ». A une époque où les épidémies infectieuses sont en pleine réapparition (virus Zika, Ebola, Chikungunya, Influenza A H1N1, etc.), il est peut-être imprudent d’écorner l’image d’efficacité de la vaccination.

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