L’affaire des coupe-faim: de l’utilité au mésusage

Par Dr François-André Allaert le 5 janvier 2017

Les coupe-faim sont depuis des années sur la sellette avec comme point d’apothéose la fameuse affaire du Médiator et autre produits qui se sont vus retirés du marché en raison de leur effets secondaires.

La question qui se pose est celle du bien-fondé de mettre sur le marché des produits dont l’objectif est de permettre à des personnes de perdre du poids. Faute de pouvoir juguler leur compulsion alimentaire en agissant sur leur psychisme. Au regard des effets dévastateurs qu’ils ont eu pour la santé humaine, a priori, rien ne le justifie, surtout lorsque l’objectif de leurs prises est de satisfaire à l’obsession de la perte de poids inutile.

Qui est responsable?

Nous sommes alors très loin d’un objectif thérapeutique mais dans la satisfaction d’une compulsion morbide d’atteindre une image corporelle de type anorexie. Tout le monde a eu sa responsabilité dans ces désastres sanitaires: les laboratoires, pour avoir poussé à un large usage de ces médicaments, les personnes, qui ont fait pression pour qu’ils leur soient prescrits, les médecins, pour avoir cédé à ces demandes indues. Le problème est alors venu des centaines de milliers de personnes qui les ont consommés. Ce qui a suscité l’apparition de troubles graves parce que chez elles, le bénéfice/risque liée à la survenue des effets secondaires rares mais sévères, était d’emblée déséquilibré en faveur du risque puisqu’il n’y avait pas de bénéfice !

Du mésusage à une nouvelle réglementation

A l’inverse, et au risque d’aller à contre-courant, se pose la question de l’absence désormais de tels produits dans l’arsenal thérapeutique médicamenteux disponible pour prendre en charge des patients dont l’obésité morbide menace à très court terme leur survie: un patient diabétique par exemple, présentant de nombreux autres facteurs de risque cardiovasculaire, et pesant 140 kg. Chez ces patients, l’utilisation raisonnée de ces médicaments pouvait avoir une justification car le risque rare d’effets secondaires graves était contrebalancé par le très haut risque que suscite chez eux l’obésité. On peut s’interroger si l’usage des ces produits ne constituerait pas une alternative face aux thérapeutiques qui leur sont proposées actuellement, qu’ils soient de type anneau gastrique voire technique chirurgicale de by-pass et qui suscitent eux-mêmes de nombreuses complications parfois, elles aussi, mortelles. Peut-être devrait-on comparer objectivement les risques de ces différentes stratégies thérapeutiques dans des essais cliniques.

En fait, ce qui a suscité les catastrophes, c’est le mésusage de ces « coupe-faim », sous l’effet de l’obsession du poids, en négligeant le fait qu’il s’agissait de médicaments et non de produits de confort. Il aurait été sans doute utile de leur conserver un statut de médicament d’exception à délivrance règlementée et contrôlé en milieu hospitalier ce qui interdit la généralisation indue de leur utilisation.

Hélas, on ne refait pas l’histoire a posteriori, mais ceci montre la nécessité fondamentale de mieux contrôler l’usage du médicament et de veiller à ce qu’il soit utilisé dans des indications thérapeutiques restreintes et curatives. Ceci pose la question à terme de l’usage des médicaments de prévention comme on le voit aujourd’hui apparaître pour la prescription sans doute trop généralisée des statines chez des patients dont les taux de cholestérol ne le justifient pas forcément. Avec pour conséquence, l’apparition de complications musculaires de type rhabdomyolyses. Là encore, leur usage se justifie chez des patients à haut risque,  lorsque les autres possibilité de prise en charge ont échoué, et non pas comme un pis-aller, chez des personnes qui le prennent pour éviter d’avoir a faire attention à leur alimentation…

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