Architecture / Santé / Environnement

Par Marie-Dominique Serda le 26 septembre 2009

Christian, vous êtes architecte. Que faites-vous dans votre métier pour préserver la santé et l’environnement ?


En ce qui concerne la santé, historiquement, l’architecture (ou de manière plus générique le cadre bâti) a joué un rôle sur la santé des populations et sur l’accroissement de l’espérance de vie.
Depuis 150 ans environ, l’apparition de la notion d »architecture domestique, dans le sillage des pensées idéaliste et hygiéniste, a permis de réfléchir au logement au sens général du terme.

Auparavant, l’architecture se focalisait sur les bâtiments prestigieux, généralement liés au pouvoir. A partir de la fin XIX° (de manière embryonnaire) et de manière plus généralisée dans la période de l’entre-deux guerres, on a commencé travailler sur le cadre de la vie quotidienne en définissant une typologie de logements à vocation universelle (en supposant que les besoins l’étaient) pour aboutir à un « schéma » type, avec la cuisine, les sanitaires, les toilettes séparés, une zone de nuit et une zone de jour, etc., ce qui peut paraître une évidence aujourd’hui, mais n’existait pas, ni dans l’espace urbain ni dans l’espace rural, il y a encore 100 ans. Cette typologie a si bien marché qu’aujourd’hui elle est devenue la règle (avec un certain nivellement moyen réduisant les inégalités de « classes » dans ce domaine) et dont on a parfois du mal à se départir.

Parallèlement, la démocratisation de l’accès aux différents réseaux sanitaires et de confort (l’arrivée de l’eau potable dans les habitations, l’assainissement – les égouts de Paris ont supprimé le choléra -, l’électricité, etc .) ont joué un rôle énorme dans l’accroissement du niveau et de l’espérance de vie.

 

Et aujourd’hui ?


Aujourd’hui, je ne fais rien de plus que mes confrères : nous avons un cadre bien défini par la législation, avec des règles qui nous disent ce que nous devons faire. Ces règles sont largement suffisantes et contraignantes en matière d’environnement et de santé, en sachant qu’elles peuvent évoluer (on ne sait pas tout).

 

Quelles sont ces règles ?


Vous connaissez déjà l’interdiction de l’amiante et du plomb, mais en plus il y a des règles en matière d’aération, d’éclairage, de performances acoustiques et thermiques etc. Et de plus en plus, ce qui va se généraliser avec la mise en place du Grenelle de l’environnement, c’est la prise en compte de l’impact environnemental des bâtiments, dans le sens écologique du terme (bilan énergétique, tri sélectif des chantiers, devenir à long terme des matériaux utilisés etc.), ce qui n’était pas le cas précédemment, mais pas moins que dans l’industrie ou la chimie d’ailleurs.

De plus, aujourd’hui, toute construction doit prendre en compte l’accessibilité des lieux à toute sorte de handicaps, non seulement des handicaps physiques mais en anticipant sur une population vieillissante. Il faut que nous prenions en compte la largeur des portes, l’installation des sanitaires, la dimension des ascenseurs, l’emplacement des boutons et poignées de porte, l’organisation du repérage dans l’espace pour les mal voyants, etc.

 

Ces règles imposées ne sont pas de l’architecture…


Ces règles qui nous sont imposées sont des contraintes « techniques » et réglementaires, mais ce n’est pas de l’architecture. Le travail de l’architecte n’est pas seulement de faire des économies d’énergie, mais c’est de faire en sorte que le cadre sur lequel il intervient soit mieux après qu’avant.
Je vous donne un exemple : je crée un bâtiment, une maison ou un ensemble d’immeubles ; que j’y mette du plomb ou de l’amiante ou que je n’en mette pas ne changera en rien l’architecture du bâtiment.

 

Et l’environnement ?


Le travail de l’architecte est complexe. Il a vocation à créer un environnement et donc à réfléchir sur l’impact de cet environnement sur l’individu et à la vie des individus entre eux.

De manière un peu contradictoire avec les contraintes environnementales écologiques, il a pour vocation de modifier l’environnement en tendant vers un idéal à venir (parfois un peu contradictoire avec la vision d’un « jardin d’éden » perdu, sous tendu par le discours écologique), sans être pour autant incompatible avec le respect de l’environnement pris au sens large (environnement naturel, urbain, social, culturel, etc.).

L’espace qu’il crée et son action sur l’espace peuvent venir alléger ou aggraver des situations difficiles et peuvent donc jouer sur la santé psychique des individus ou des groupes d’individus (une mauvaise circulation des individus dans l’espace peut être perturbante).

 

Il lui faut repenser l’espace rural et urbain et leurs articulations…


Depuis la fin du XIX° , le rapport entre les villes et l’espace rural a été fondamentalement modifié (avec l’apparition de la pasteurisation, la conservation des aliments avec la généralisation de l’usage de l’électricité et le développement sans précédent des transports). Ces dernières années, la création et l’extension des zones pavillonnaires, vendues depuis la fin des années soixante comme le must de la réussite individuelle pour la classe moyenne, ont obligé les gens à multiplier leurs déplacements (en voiture, second élément essentiel à l’accomplissement social) et donc à consommer de l’essence.

 

Il faut interdire l’extension des villes…


C’est aujourd’hui un état de fait qui doit nous pousser à réfléchir à la circulation et aux déplacements des individus de manière globale, en évitant de pérenniser des schémas obsolètes. Les centres de décisions aujourd’hui limités aux communes (ou aux communautés d’agglomération) ne permettent d’apporter que des solutions ponctuelles à des problèmes issus d’un cadre beaucoup plus vaste.

Il serait largement plus rentable actuellement d’interdire l’extension des villes et des communes périurbaines sur les zones agricoles (au profit d’un habitat individuel) que d’installer un système de transport en commun intra-urbain dont l’impact environnemental reste très localisé.

 

Les cités-dortoirs… Espaces désertés…


De même, le « zoning » urbain (décrié depuis vingt ans mais toujours aussi efficace), avec la construction d’immenses zones commerciales à la périphérie des villes (désertées le soir) et la création de zones pavillonnaires qui sont devenues des « cités-dortoirs » qui ne font vivre ces endroits qu’à certains moments de la journée, est extrêmement vorace en espace et est souvent assujetti à l’usage de la voiture.

Alors que ni l’un ni l’autre n’offre d’incompatibilité : les centre urbains fonctionnent assez bien ainsi (au vu des prix du marché immobilier il semble qu’il y ait là un schéma relativement attractif, si on peut utiliser ce critère).

Repenser ces espaces autrement serait peut être un remède au manque de logements, d’espaces de stationnement et éviterait l’empiètement sur l’espace agricole et les déplacements quotidiens.

 

Témoignage de Christian Morizot, architecte, recueilli par Marie Dominique Serda.


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